Duo Aliada ou le sublime équilibre entre le saxophone soprano et l’accordéon chromatique

Review by Michel Lambert (Crescendo Magazine)

Le Duo Aliada revisite le répertoire du passé en lui donnant de nouvelles couleurs. Celles, très subtiles, obtenues par le mariage entre le saxophone soprano et l’accordéon. Quelle réussite que cette entreprise réalisée avec talent et créativité par Michal Knot et Bogdan Laketic. Ces deux instruments-là étaient faits pour se rencontrer. Leur fonctionnement similaire rend leurs sonorités compatibles. Dans les deux cas, l’air fait vibrer des anches. L’accordéon, ce sont deux claviers reliés par un soufflet. Le maniement de ce dernier par des mains virtuoses assure une dynamique et un relief sonore d’une subtilité bluffante. Le clavier main gauche génère des accords mais un déclencheur peut le faire « basculer » en clavier chromatique semblable à celui de la main droite. Les nombreux registres permettent d’obtenir des sonorités proches de l’orgue. Ces deux instruments ont aussi des destins croisés. Ils sont contemporains l’un de l’autre, ils se sont développés dans des sphères populaires avant de connaître un essor dans la musique savante et dans nos enseignements artistiques supérieurs à partir de 1950. Le Duo Aliada offre un répertoire varié, parfois inattendu comme en témoignent les Vier Stücke d’Alban Berg. Le moins que l’on puisse écrire, c’est que ça marche ! Le tout est totalement convaincant. Basés à Vienne et à l’aube d’une carrière prometteuse, les deux musiciens ne jouent pas contre la nature de leurs instruments et ils revisitent ces répertoires sans contre-pied stylistique. Dès les premières notes, le son du saxophone de Knot interpelle par sa finesse, sa légèreté et sa sensibilité. Laketic est remarquable lui aussi. Sa technique de main gauche en basses chromatiques est ciselée et impeccable. La technique du soufflet est parfaite donnant profondeur et résonance à la sonorité. La registration est intelligente. De ce point de vue, la troisième pièce roumaine de Bartok (Pe loc) est juste sublime. Les arrangements sont personnels, réussis et ils assurent un équilibre parfait entre les deux musiciens. On écoute un duo. Les œuvres baroques sont jouées avec énergie. Les sonorités modernes sont au service de la partition. Vous l’aurez compris, cet opus est à écouter sans réserve. Il procure de multiples découvertes. D’abord celle de deux instruments encore trop souvent méconnus et cantonnés à certains répertoires mais aussi celle des œuvres interprétées par le prisme du Duo Aliada qui en révèle bien des richesses.

Review by Michel Lambert (Crescendo Magazine)